La mayonnaise, une histoire de campagne

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Campagne électorale
« La mayennaise ne semble pas prendre » – commente un lecteur à propos des sondages sur les élections européennes. En effet, la candidate du parti présidentiel « Renaissance », largement inconnue du grand public, recule dans les intentions de vote. Un autre ironise : « Avec Valérie HAYER, Mayennaise macroniste, la mayonnaise ne prend pas. »

« La mayonnaise ne prend pas » signifie que la situation n’évolue pas dans un sens favorable, que les choses ne prennent pas une bonne tournure (sich (nicht) zum Guten wenden).

Quant à une Mayennaise c’est, comme la candidate Renaissance, une habitante du département de la Mayenne (région Pays de la Loire).

Mayonnaise, Mayennaise : est-ce un mauvais jeu de mots basé sur deux paronymes (deux mots qui se ressemblent par leur prononciation et / ou leur orthographe) ou bien ces deux termes ont-ils une parenté étymologique ?
Il faudrait d’abord déterminer l’origine du nom de la mayonnaise, et elle est assez controversée.

Campagne de la Guerre de Crimée à Sébastopol
L’une des hypothèses se réfère au général français Patrice de Mac-Mahon (1808-1893) qui aurait découvert cette sauce froide – une émulsion d’huile et de jaune d’œuf – grâce à son aide de camp, originaire de la Mayenne, et aurait créé un mot-valise associant son propre nom « Mahon » et celui du département : c’est ainsi que la mahonnaise mayennaise serait devenue la « mayonnaise ».

Cette explication est d’autant plus contestable que le mot est attesté dès 1806, au début du 1er Empire, avec la locution « saumon à la mayonnaise » (in « Le Cuisinier impérial » d’André Viard).

Selon une autre hypothèse, c’est de la ville de Bayonne que viendrait la « bayonnaise », mot qui se serait peu à peu transformé en « mayonnaise ». Ce n’est, paraît-il, pas encore la bonne explication. Mais, géographiquement, on se rapproche de l’origine de cette sauce.

Campagne de la Guerre de Sept ans à Minorque
L’hypothèse la plus communément admise quant à l’origine de la mayonnaise se réfère à la victoire du duc de Richelieu (arrière-petit-neveu du célèbre cardinal) qui a assiégé la forteresse du port de Mahón (dans l’île espagnole de Minorque) (2). Pour fêter la prise du Castillo de San Felipe, en 1756, il a organisé un banquet. Le cuisinier a servi les viandes avec une sauce catalane, connue (depuis 1024) sous le nom de « all-i-oli » (3) (littéralement « ail et huile ») et composée d’ail pilé dans un mortier (Mörser) et d’une émulsion d’huile (d’olive, bien sûr) et de jaune d’oeuf. Par égard pour le palais (Gaumen) délicat de ses convives venus du Nord, le cuisinier a supprimé l’ail de la recette. Conquis par cette sauce, et en souvenir de sa victoire, le duc de Richelieu l’a baptisée « mahonnaise ».

Cette explication n’a pas conquis tous les lexicologues : Friedrich Kluge, philologue allemand (1856-1926), estime de son côté que le mot « mayonnaise » vient du verbe « mailler » qui signifiait « battre » en ancien français : il faut battre l’huile (autrefois à la main, aujourd’hui avec un batteur) pour faire « prendre » la mayonnaise.

Pour mener à bien la campagne des européennes, il faut se battre et surtout battre ses adversaires.

Pour être au courant

1- Militaire et homme d’État, président de la République (1873-1879), Patrice de Mac-Mahon a été fait duc de Magenta et maréchal de France par Napoléon III. Pendant la Guerre de Crimée, lors du siège de Sébastopol (1855), il aurait prononcé son célèbre « J’y suis, j’y reste ! » Il est resté et la ville est tombée…

Mac Mahon (littéralement : le descendant de l’ours) : un patronyme ni français ni minorquin – Les ancêtres du maréchal sont originaires d’Irlande. Ils se sont réfugiés en France avec Jacques II Stuart lors de la « Glorieuse Révolution » de 1689.

2- La capitale de Minorque, elle, doit son nom au général carthaginois, Mahon, qui a fondé la ville et a annexé l’île à l’empire carthaginois en 205 avant J.-C. Encore une histoire de campagne et de bataille…

3 – L’aïoli provençal est, à l’origine, composé uniquement d’ail pilé, d’huile d’olive et de sel, sans ajout de jaune d’œuf, de moutarde ou de jus de citron. Aujourd’hui, le mot « aïoli » désigne non seulement la sauce mais aussi tout le plat qu’elle accompagne : légumes, poissons (traditionnellement de la morue), escargots…