« Hors-sol, « déconnecté », « méprisant » : les oppositions fustigent (rügen, tadeln; litt. geißeln, auspeitschen) Emmanuel Macron après son interview. »
Le député François Ruffin (LFI] a estimé que le chef d’Etat est « complètement hors-sol et ne comprend pas comment vivent les gens. À droite aussi les critiques fusent (es hagelt Kritik). Louis Aliot [RN] a dénoncé un président « en déconnexion totale avec le pays. (…) Il tente d’imposer des réformes même contre l’avis de son camp. Il se moque pas mal de ce qu’il se passe dans son pays ». (article)
L’interview date du printemps dernier (2023), mais aujourd’hui les critiques n’ont guère changé : les paroles et les actes du Président et de la majorité macroniste sont totalement « hors sol », déconnectés de la réalité – c’est-à-dire des conditions de la vie quotidienne du « Français moyen ».
L’emploi de « hors sol » au sens figuré est relativement récent : attesté vers le milieu des années 2010, il est devenu plus courant que le sens propre qui, jusque là, s’appliquait au domaine de l’élevage, de l’agriculture ou du bâtiment – dans l’élevage hors sol, les animaux ne sont pas nourris avec les produits cultivés sur le sol de l’exploitation (flächenunabhängige Tierhaltung) ; – dans l’agriculture hors sol, les cultures sont faites sans le support du sol : c’est le cas de l’hydroculture ou de l’aéroponie ; – une piscine dite « hors sol » n’est pas enterrée : elle est en général amovible, (freistehender Swimmingpool).
La France d’en haut contre la France d’en bas (1)
Appliqué à une personne, à ses propos ou à ses actions, le terme « hors sol » concurrence aujourd’hui son synonyme « déconnecté » (littéralement : qui a perdu le contact, la connexion) et y ajoute une notion de mépris. Selon ses opposants, Emmanuel Macron, « président hors sol », n’a plus les pieds sur terre, il plane bien au-dessus du commun des mortels (die Normalsterblichen) dont il ne partage pas les soucis. Il fait preuve de désintérêt, de dédain et de condescendance (Herablassung) (2) à leur égard.
Hubris contre enracinement
L’équivalent de « hors sol » en allemand est « abgehoben« , littéralement « qui a décollé », qui ne touche donc plus terre, mais qui, en poursuivant cette politique hors sol, a peu de chance de décoller dans les sondages !
Voilà tout le contraire de quelqu’un qui est « bodenständig« , c’est-à-dire une personne pragmatique, qui a les deux pieds sur terre, qui a le sens des réalités, qui est enracinée dans le terroir. Ce manque d’enracinement (Verwurzelung, Bodenständigkeit) est souvent reproché à la classe politique macroniste, dont la plupart des représentants (ministres, députés, sénateurs…) n’ont pas d’attaches, de racines régionales.
Autre équivalent: « realitätsfremd« , qui se traduit de façon moins concise (bündig, prägnant) en français par « coupé, déconnecté de la réalité », « qui n’a pas le sens des réalités ».
Pour être au courant
1- « La France d’en haut et la France d’en bas » (die französische Führungsschicht und das Frankreich der kleinen Leute) : cette citation est attribuée à Jean-Pierre Raffarin (premier ministre de 2002 à 2005, sous la présidence de Jacques Chirac).
2- condescendant – Dans une grille de mots croisés, Robert Scipion (si mes souvenirs sont bons…) a proposé comme définition : « Qu’il remonte, l’imbécile ! »
3- décoller vient de « colle » : l’avion qui décolle doit s’arracher à la piste d’envol, s’en détacher. Cependant le verbe a un autre sens (et une tout autre étymologie) : « décoller », c’est trancher le cou (anciennement « col ») à qn, autrement dit le décapiter. Le dernier chef d’État français à avoir perdu son chef (Haupt, Kopf) sur le billot (Hackklotz) de la guillotine était Louis XVI, il y a 231 ans…