Investiture et inauguration
La cérémonie d’investiture du 47ème président des Etats-Unis (lundi 20/01/2015) a été déplacée à l’intérieur du Capitole en raison du froid polaire attendu à Washington.
Un « vent arctique » (venu du Groenland ?) a jeté un froid sur les festivités et sur les 220 000 sympathisants du président qui s’étaient procuré des billets, mais qui n’ont pas pu suivre la cérémonie en direct : en effet, la Rotonde du Capitole ne pouvait accueillir que quelques centaines d’invités triés sur le volet.
Qualifiée d’investiture dans la presse francophone, cette cérémonie est désignée sous le nom d’inauguration dans les médias anglophones et certains journaux en langue allemande.
En français moderne, le terme inauguration (1) se définit comme le « fait de célébrer l’achèvement (d’un monument, d’un aéroport, d’une statue), de mettre officiellement en service (quelque chose à usage public) par une cérémonie solennelle. (CNRTL)
Le mot ne s’applique pas – ou plus – au fait d’introduire solennellement une personne dans sa nouvelle et haute fonction. Cependant, jusqu’au XIXe siècle, inauguration était synonyme d’intronisation, une cérémonie religieuse du sacre ou du couronnement d’un souverain, ou d’investiture d’un haut dignitaire.
Et c’est dans ce sens-là que le mot est passé du français à l’anglais au milieu du XVIe siècle, et qu’il a conservé cette signification jusqu’à aujourd’hui, à savoir : « ceremonial investiture with office; act of solemnly or formally introducing or setting in motion anything of importance or dignity« .
La cérémonie d’investiture / inauguration du président des Etats-Unis a conservé en partie son caractère religieux : (2) Donald Trump a prêté serment sur la Bible – ou plus exactement sur deux Bibles. (3).
Le terme investiture (4) qui se définit comme une procédure officielle d’attribution d’un pouvoir ou d’une fonction (Amtseinführung), vient du latin investitura, dérivé du verbe investire qui signifie « revêtir ». En effet, au Moyen-âge, le vêtement ou tout élément de la tenue d’un haut personnage était souvent le symbole du pouvoir conféré (vêtements liturgiques, toge de magistrat, couvre-chef particulier, uniforme militaire)
On retrouve ce lien entre vêtement et fonction dans l’expression « jn mit einem Amt bekleiden », qui possède une origine comparable à « investir qn d’une fonction » et qui s’applique au domaine séculier.
Pas de code vestimentaire particulier pour le président des Etats-Unis lors de la cérémonie d’investiture de nos jours. John Kennedy est le dernier président à avoir porté une jaquette et le chapeau haut de forme de rigueur à cette occasion.
Etre le héros d’une cérémonie d’investiture est donc tout le contraire de « se prendre une veste » !
Pour être au courant
1- inauguration est dérivé du bas latin inauguratio : consécration d’un lieu ou d’une personne par une cérémonie solennelle. Il vient donc comme lui d’augure. Dans la religion romaine, l’augure était :
– un prêtre chargé d’interpréter les phénomènes naturels considérés comme des présages (vol des oiseaux, foudre, prodiges…) (lien) ;
– cette pratique divinatoire ;
– le message – de bon ou de mauvais augure envoyé par les dieux.
L’inauguration d’un lieu ou d’un important personnage, célébrée par un augure, pouvait avoir lieu si les auspices divins étaient favorables. C’était une légitimation divine. (lien)
2- Le mot « serment » (Eid) est d’ailleurs dérivé de « sacrement ».
La prestation de serment = die Angelobung, Vereidigung = swearing-in ceremony :
– « Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des États-Unis et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des États-Unis ».
3- Comme lors de sa première investiture en 2017, Donald Trump a prêté serment sur deux bibles :
– celle utilisée par Abraham Lincoln lors de sa première « inauguration » en 1861,
– celle offerte par sa mère en 1955, lorsqu’il avait 9 ans. (lien)
Bien que non obligatoire, la prestation de serment est ancrée dans la tradition américaine. Franklin Pierce est le seul président des Etats-Unis (de mars 1853 à mars 1857) à avoir remplacé « je jure » par « j’affirme », ce qui est autorisé par la Constitution. (lien)
4– L’allemand connaît aussi le terme « Investitur » (littéralement Einkleidung) mais ne l’utilise plus que dans le contexte historique de la Querelle des Investitures qui a opposé la papauté et le Saint-Empire romain germanique entre 1075 et 1122.
Limogeage
« Un limogeage à grande échelle. L’administration du nouveau président américain, Donald Trump, a demandé vendredi 24 janvier aux agences fédérales américaines de fermer [d’ici 60 jours] l’ensemble de leurs bureaux chargés de promouvoir la diversité et la justice environnementale. » (article)
Ce licenciement (1) de grande envergure dans les services publics américains est annoncé deux jours après la décision de placer en congés forcés tous les employés travaillant au sein de l’administration fédérale dans des programmes de DEIA (Diversité, Équité, Inclusion et Accessibilité).
Le limogeage d’un haut fonctionnaire, c’est son renvoi sans préavis. Il est relevé, avec effet immédiat, de ses fonctions. Le verbe « limoger », qui apparaît au début de la 1ère Guerre mondiale, a bel et bien un rapport avec la ville de Limoges, comme la baïonnette avec celle de Bayonne. (2)
Dès août 1914, jugeant que de nombreux officiers ont causé les premiers échecs militaires du fait de leur incompétence, le général Joffre, commandant en chef de l’armée française, décide de relever 40% des hauts gradés de leur commandement. Le ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, choisit de les éloigner du front et de Paris où, selon lui, « ils n’auraient fait que clabauder », et les assigne à résidence dans la 12ème région militaire, où se trouve Limoges.
C’est ainsi que cette mesure disciplinaire a donné naissance au verbe « limoger ». En réalité, seuls 12 officiers ont été envoyés à Limoges, les autres ont résidé dans d’autres villes de cette région militaire. Mais c’est le verbe « limoger » qui est passé dans l’usage, et pas « toulouser » ou « angoulemer »…
Les verbes « limoger » ou « congédier », qui appartiennent à un registre élevé, ont de nombreux équivalents plus familiers comme « virer » (« to fire » en anglais et « feuern » en allemand) (3), ainsi que « flanquer à la porte » ou « dégommer ».
Ce dernier verbe possède une étymologie surprenante : il n’a rien à voir avec la gomme qui, au sens premier du terme, désigne une « substance mucilagineuse et transparente, provenant de l’exsudation naturelle ou provoquée de certains végétaux. »
Il se réfère à une coutume des anciens Francs qui « décomaient » les rois qu’ils avaient déposés : c’est-à-dire qu’ils les tondaient, ils leur coupaient leur – longue – chevelure (coma en latin (4), symbole de pouvoir et de force. « Décomés » : c’est le sort qu’ont connu par exemple les rois Thierry III (VIIe siècle) et Childéric III (VIIIe siècle), un souverain qui, en outre, a été enfermé dans un couvent. (5)
Les 162 généraux et colonels (sur un total de 400) « limogés » par Joffre entre le 2 août (date de la mobilisation) et le 31 décembre 1914, n’ont été ni tondus ni claustrés. On a même nommé certains d’entre eux un poste d’égale valeur, mais purement symbolique, afin de les neutraliser.
Le coup de balai trumpiste ou trumpien (les deux adjectifs sont employés indifféremment dans la presse française) pourrait, par contre, faire des dizaines de milliers de victimes parmi les fonctionnaires américains qui risquent fort de ne pas être « recasés ».
Pour être au courant
1- licencié : un participe ambigu que l’on peut interpréter de deux manières : qui a été congédié, ou qui possède un diplôme de licence, qui est titulaire d’une licence.
2- le mot « baïonnette » est attesté depuis 1572 en français et depuis le début du XVIIIe siècle en allemand : das Bajonett. La ville de Bayonne (Pays basque) possédait aux XVIe et XVIIe siècles d’importantes fabriques d’armes et de coutellerie.
3- to fire est l’un des verbes préférés de Donald Trump. Chacun connaît sa formule « you are fired ! » Le passage du sens propre de « to fire » (« faire du feu et l’entretenir » ou « mettre le feu », attesté vers 1200) au sens figuré (« virer, jeter à la porte, renvoyer qn », attesté en 1877) s’est fait par l’intermédiaire de « faire feu, tirer un coup de feu sur qc » (vers 1520), puis « jeter, envoyer avec force, flanquer (un coup, une gifle) » (schmeißen). L’allemand « feuern » a connu la même évolution : au sens figuré (jn entlassen), c’est un calque de l’anglais.
4- « coma« , (du grec « kome » : cheveux, crinière), a donné, par l’intermédiaire de l’adjectif « cometes, -ae » (qui est chevelu), le mot « comète ». La « coma » ou « chevelure » de la comète est l’enveloppe nébuleuse qui se forme autour du noyau de l’astre lorsqu’il passe près du soleil.
5- Depuis toujours, une abondante chevelure est un symbole de puissance, de pouvoir : privé de sa chevelure pendant son sommeil par Dalila, Samson est désarmé. Une longue chevelure conférait aux rois francs du haut Moyen âge une force magique divine.
Les tondre était non seulement une humiliation mais aussi une forme de mutilation puisque la « décalvation » pratiquée par les Mérovingiens consistait à scalper la victime, c’est-à-dire à enlever des lambeaux de cuir chevelu à l’aide du scramasaxe, un long couteau sans manche, appelé Sax en allemand.) (lien)
Suzette et Georgette : une histoire de crêpes
La crêpe et le crêpe (1) : ces homophones homographes ne sont pas synonymes et n’ont pas le même genre. Ils possèdent pourtant une étymologie commune.
En France, pas de Chandeleur sans crêpe, LA crêpe, cette « mince couche de pâte de forme ronde, cuite à la poêle ou sur une plaque de fonte, que l’on consomme nature ou fourrée d’une garniture sucrée ou salée » (CNRTL).
Elle doit son nom à l’aspect ondulé et friselé qu’elle prend à la cuisson, et qui rappelle l’apparence DU crêpe, une « étoffe, généralement de laine ou de soie, plus ou moins légère et transparente dont la texture grenue est obtenue par une forte torsion des fils » (CNRTL).
Mais d’où vient le nom de la crêpe Suzette, ce grand classique des desserts français ? Accompagnée d’une sauce à base de sucre caramélisé et de beurre, avec du jus d’orange, du zeste (d’orange ou de citron) et de la liqueur Grand Marnier, elle est aujourd’hui le plus souvent servie flambée, ce qui n’était pas le cas pour la recette d’origine, imaginée par Auguste Escoffier, chef de cuisine du « Grand Hôtel de César Ritz à Paris » (2).
Selon la légende la plus répandue, la version « Suzette » serait le fruit d’un « accident culinaire » (3) : un apprenti-pâtissier du Grand Café de Monte-Carlo servait des crêpes au Prince de Galles, le futur roi d’Angleterre Édouard VII. Il aurait enflammé l’alcool (Grand Marnier ou Curaçao, selon les versions) par mégarde. Bon prince, « Bertie » (4) ne lui en a pas voulu de cette maladresse qui n’a pas fait de victime : après avoir dégusté cette création, il aurait même suggéré de lui donner le « petit nom » de la jeune femme qui l’accompagnait, Suzanne Reichenberg.
C’est à un petit-fils de Bertie, un autre prince de Galles, qu’on doit le nom de l’étoffe dite « prince-de-galles » (Prince of Wales check) (5). Ce tissu, généralement en laine, est formé de petits carrés de couleurs, reliés entre eux par des effets de rayures verticales et horizontales. Le futur Edouard VIII l’adopte dans les années 1920.
Cet Edouard-là, né en 1894, a connu son arrière-grand-mère, la reine Victoria, décédée en 1901, après avoir porté pendant 40 ans le deuil de son mari, le prince Albert. C’est elle qui a imposé à la cour d’Angleterre des règles strictes concernant le deuil, en particulier le port d’un voile de crêpe noir pendant la période dite « de grand deuil ».
Jusqu’au début du XXe siècle, le crêpe noir symbolise le deuil, porté comme voile par les femmes, comme ruban sur un chapeau ou comme brassard par les hommes.
Le crêpe dit « georgette », qui a un tissage plus serré que le crêpe « normal » et qui est généralement un tissu de soie, ne doit pas son nom au roi George (ni George V, petit-fils de Victoria, ni George VI, père de la reine Elisabeth) mais à Georgette de la Plante, une modiste et couturière parisienne, célèbre dans les années 1910-1920 pour ses immenses chapeaux (illustration), et dont le nom (mais pas le prénom…) est aujourd’hui tombé dans l’oubli, contrairement à celui de sa contemporaine Coco Chanel.
Pour être au courant
1- LA crêpe et LE crêpe, tout comme l’adjectif « crépu » – qui se rapporte aux cheveux – dérivent du latin « crispus » (frisé, ondulé).
2- L’hôtel 5 étoiles appelé aujourd’hui « Ritz Paris » et situé place Vendôme (dans le 1er arrondissement) a été fondé en 1898 par l’hôtelier suisse César Ritz, en collaboration avec le chef Auguste Escoffier.
3- La ganache, la tarte Tatin, le Roquefort… : des mets ou aliments découverts – selon la légende -par hasard, par sérendipité.
4- Bertie : surnom du fils aîné de la reine Victoria : Albert est resté prince héritier pendant 60 ans avant de devenir roi (cela vous rappelle quelqu’un ?) sous le nom d’Édouard VII. Tenu à l’écart du pouvoir pendant le long règne de sa mère et très francophile, il profitait de chaque occasion pour se rendre en France (à Paris, Biarritz, Cannes, Trouville…) et à Monaco. Le plus souvent sans son épouse Alexandra, mais en compagnie d’une de ses nombreuses maîtresses.
5- le « prince-de-galles » : ce genre de motif a été créé à l’intention des grands propriétaires fonciers anglais établis en Écosse (dans le village d’Urquhart, près d’Inverness) et qui n’avaient pas droit au tartan, le motif des clans, mais souhaitaient cependant habiller leur personnel avec un tissu au dessin personnalisé et bien identifiable.
du mousse (1) au menu
« Il était un petit navire » parle de cannibalisme, pensez-y avant de le chanter à vos enfants ! (lien)
Cette comptine traditionnelle, chantée sur un air guilleret et entraînant depuis le XVIe siècle, n’est pas aussi anodine qu’elle n’en a l’air. En effet, les paroles évoquent explicitement une pratique qui n’était pas étrangère au monde de la marine, de la Renaissance (début des grands voyages maritimes intercontinentaux après la découverte des « Indes occidentales » en 1492) jusqu’au XIXe siècle, à savoir l’anthropophagie. (2)
Si le titre de la chanson a été modifié, passant de « La courte paille » à « Il était un petit navire », le texte est resté le même : l’équipage d’un navire en perdition décide de désigner « à la courte paille » (3) – c’est-à-dire de tirer au sort – le marin qui « sera mangé », permettant ainsi à ses compagnons de survivre. « Le sort tomb[e] sur le plus jeune », le petit mousse, et les autres membres de l’équipage se disputent sur la manière de le cuisiner : « On cherche alors à quelle sauce / Le pauvre enfant se-, se-, sera mangé / L’un voulait qu’on le mît à frire. / L’autre voulait le fricasser ». (texte de la chanson)
Vous connaissez probablement l’isue heureuse de cette tragédie : le malheureux petit marin adresse une prière à la Vierge Marie qui l’exauce : des milliers de poissons sautent sur le bateau. L’équipage affamé va pouvoir se nourrir, et le petit mousse est sauvé.
Au temps de la marine à voile, les mousses – des jeunes marins souvent enrôlés sur les bateaux parfois dès l’âge de 7-8 ans, mais le plus souvent entre 12 et 16 ans – étaient le plus souvent les souffre-douleur de l’équipage, considérés parfois comme de véritables esclaves, chargés de toutes les corvées à bord (lien).
Le terme « mousse », attesté sous la forme « mosse » en 1515 (l’année où apparaît le « cannibale » dans la langue française…) et défini comme un « jeune apprenti marin ». Il vient de l’espagnol « mozzo » qui désigne d’abord un « garçonnet » (à la fin du XIIe siècle), puis un « jeune homme » (au milieu du XIVe siècle), et qui dérive lui-même du latin « muttiu » (littéralement « émoussé »), à cause de la coutume qui consistait à raser la tête des jeunes garçons et des jeunes gens. (4)
L’allemand « Moses » – qui désigne, lui aussi, un jeune marin – a-t-il un lien étymologique avec le « mousse » français ? Malgré une certaine ressemblance phonétique, ces deux termes n’ont pas la même origine. « Moses » se réfère au nom du patriarche hébreu « Moïse » (Moses en allemand), qui signifie littéralement « sauvé des eaux ».
Moïse, un moussaillon malgré lui qui aurait vécu – et survécu à un risque de naufrage – il y a quelque 3 500 ans…
Pour être au courant
1- deux homographes homophones : le mousse, un jeune marin (Schiffsjunge, Moses) ≠ la mousse : Moos, Schaum.
2a- le mot cannibale – attesté en français en 1515 – vient de l’arawak (langue de la région des Caraïbes) « caniba ». Il désigne un anthropophage des Caraïbes avant de prendre le sens plus général que nous lui connaissons aujourd’hui.
2b- anthropophagie et cannibalisme :
– le cannibalisme, défini comme le fait de manger des individus de sa propre espèce, n’est pas spécifiquement humain ;
– l’étymologie d’anthropophagie (‘consommation d’êtres humains’) restreint cette notion aux êtres humains.
2c- Le célèbre tableau de Théodore Géricault, « Le Radeau de La Méduse », illustre l’histoire d’un naufrage suivi d’un cas d’anthropo-phagie datant de 1816. (lien)
3- « tirer à la courte paille » : ausknobeln, Hälmchen ziehen.
Cette pratique de désignation par le sort se retrouve dans l’expression allemande « den Kürzeren ziehen » (littéralement : ‘tirer le/la plus court/e’). Dans différentes cultures, la décision était / est prise à l’aide de brins de paille, de bâtonnets. Celui qui tire la paille, l’allumette, le bâtonnet le/la plus court/e a perdu ou a tort.
4- Selon l’Ancien Testament (Livre de l’Exode 2, 1-10), Pharaon ordonne de tuer tous les enfants hébreux mâles. Une femme juive du nom de Yokèbed, qui vient d’accoucher d’un petit garçon, espère lui sauver la vie en le couchant dans une corbeille en jonc qu’elle dépose sur le bord du Nil.
La fille de Pharaon qui se baigne ce jour-là dans le fleuve, découvre le nourrisson. Elle le sauve et le confie à une nourrice qui n’est autre que Yokèbed ! Moïse sera élevé à la cour de Pharaon et conduira le peuple hébreu jusqu’à la Terre Promise.
5- Jusqu’à leur entrée dans la vie adulte, les jeunes Romains avaient le crâne rasé, tout comme les esclaves. C’était tout le contraire chez les Celtes, et donc les Gaulois. Lorsqu’ils faisaient prisonniers des guerriers gaulois, les Romains les tondaient pour les humilier.
Encore aujourd’hui dans l’armée et la marine françaises, la réglementation « capillaire » varie selon le grade : alors que les jeunes recrues – les mousses d’autrefois – doivent adopter la coupe ultra-courte, les militaires haut-gradés peuvent porter des cheveux un peu plus longs.
Carnaval : un véritable raz-de-marée
dans les rues de Cherbourg
Dans les pays germanophones – mais aussi dans certaines villes de France comme en témoigne l’article (lien) – le Carnaval bat son plein les deux jours précédant le Mercredi des Cendres.
En Autriche, le dernier lundi avant le Carême s’appelle « Rosenmontag » et, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cette dénomination n’a probablement aucun rapport avec les roses…
Le terme est attesté pour la première fois au tout début des années 1830, à Cologne, ville célèbre pour son Carnaval au moins depuis le XIIIe siècle.
Selon les lexicologues, « Rosenmontag » vient du moyen allemand occidental « rosen », un verbe écrit et prononcé « rasen » en allemand moderne, et synonyme de « tollen, toben », c’est-à-dire « se déchaîner, être en furie, faire rage ». Il décrit bien l’atmosphère très animée de la fête et les réjouissances endiablées, parfois débridées, auxquelles se livrent les Carnavaliers qui déferlent dans l’espace public comme un raz-de-marée.
Si le français n’a pas de terme spécifique pour qualifier ce dernier lundi du temps de Carnaval, il existe cependant un point commun entre le verbe allemand « rasen » et le raz-de-marée.
Le « raz », tout comme « rasen » viennent du verbe « rāsa » qui signifie en vieux norrois « s’élancer avec force et impétuosité » et qui a donné le substantif « ras » (courant d’eau, course).
Et quel est le rapport avec Cherbourg, en dehors du « raz-de-marée » humain qui submerge la ville au moment du Carnaval ?
Elle se trouve à l’extrémité nord du département de la Manche (Basse-Normandie), dont la pointe ouest est longée par un courant de marée, le plus puissant d’Europe : le Raz Blanchard (1) qui s’engouffre dans le détroit situé entre le cap de la Hague et l’île anglo-normande d’Aurigny (carte).
Pour être au courant
1- Appelé Alderney Race en anglais, le Raz Blanchard rejoint plus au sud le Passage – ou Canal – dit « de la Déroute ». Cette passe doit son nom tragique aux nombreux naufrages qui s’y sont produits, en raison de la dangerosité de la navigation dans ce secteur maritime où se rencontrent différents courants, un risque aggravé par la violence du vent, la présence d’écueils sous-marins et un marnage de plus de 14 m, soit l’un des plus grands du monde.
Quant au nom de « Blanchard », il vient probablement du fait que la mer, dans ces parages, est le plus souvent toute blanche à cause de l’écume des vagues déferlantes.
Le « ciné-maille » : se faire une toile en tricotant
« Le Votiv Kino, un cinéma d’art et essai du centre de Vienne, propose depuis décembre [2024, et chaque mois] des ateliers « tricot-ciné », auxquels participent des centaines de cinéphiles venus « se relaxer », « se retrouver » et « se reconnecter au réel ». Ce « ciné-maille » est la dernière trouvaille du secteur pour diversifier l’offre et [concurrencer] les plateformes [de vidéo en streaming]. Pour éviter les erreurs de tricotage, une lumière tamisée reste allumée durant la projection, ce qui favorise aussi l’échange. » (article)
« Se faire une toile », en langage familier, signifie « aller au cinéma ». La toile, c’est le grand écran des salles de cinéma. On retrouve cette idée de « toile » dans l’allemand « Leinwand » (1).
Toile et tricot – Si le tissage (entrecroisement de fils de chaîne et de trame) remonte à plusieurs millénaires, la technique du tricot (entrelacement de mailles) semble beaucoup plus récente. (2)
L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’elle a été inventée au Moyen-Orient et s’est diffusée ensuite dans l’Europe méridionale via les conquêtes arabes (en Espagne, au Portugal, en Sicile).
Au XIIIe siècle, cette pratique est encore « exotique » : ainsi, les tricoteurs professionnels employés à la cour du roi d’Espagne, étaient de confession musulmane. A Paris, la Guilde (des tricoteurs) de saint Fiacre est fondée seulement en 1527. Mais, à cette époque là, on ne « tricotait » pas : on « brochait » (le mot « broche » désignant l’aiguille à tricoter) ou on « travaillait à l’aiguille ».
Le verbe « tricoter » avait un tout autre sens : dérivé de « tricot », lui-même diminutif de « trique » (un gros bâton, un gourdin), il signifiait « battre avec des bâtons ».
Au XVe siècle, « tricoter » est synonyme de courir, sauter, remuer vivement et rapidement les jambes – ou les pattes – celles-ci étant comparées à des bâtons. (4)
C’est seulement à la fin du XVIe siècle, avec la diffusion de la technique du tricot, que le verbe a pris le sens de « exécuter un ouvrage en mailles entrelacées, avec des aiguilles spéciales », par analogie entre le mouvement des aiguilles et celui des jambes.
A la française ou à la continentale ?
Lors des séances de ciné-maille, la salle de projection du Votiv Kino bruit du cliquetis des aiguilles des spectatrices (et des rares spectateurs) qui, visiblement (vidéo), tricotent « à la continentale », c’est-à-dire en tenant les aiguilles sous la main (comme un couteau) et en guidant le fil de la main gauche (s’ils sont droitiers), alors qu’en France on le guide avec l’index droit (vidéo). Autrefois, on tenait les aiguilles au-dessus de la main (comme un stylo) mais, là, la méthode « continentale » semble gagner du terrain.
Le tricot-spectacle
Cette combinaison entre spectacle et tricot, anodine en Autriche, pourrait rappeler en France des événements de sinistre mémoire : sous la Révolution française, pendant la Terreur, on appelait « Tricoteuses » les femmes qui assistaient aux séances de la Convention nationale, ou du Tribunal révolutionnaire, mais aussi aux exécutions capitales, autour de la guillotine, tout en tricotant. (Selon certains historiens, ce serait un mythe créé par la Contre-Révolution au début du XIXe siècle, largement propagé par la presse anglaise, et toujours très vivant dans l’imaginaire collectif.)
Pour être au courant
1- Leinwand a connu une évolution sémantique similaire à celle de « toile », un mot qui a pris successivement différents sens :
– étoffe robuste, surtout de lin (XIIe siècle)
– support d’une œuvre peinte (début du XVIIe siècle),
puis l’oeuvre, la peinture elle-même,
– rideau d’un théâtre, séparant la scène du public (fin du XVIIe siècle),
– écran de cinéma, surface de projection (fin du XIXe siècle).
Les premiers films étaient projetés sur une grande toile blanche fixée au mur. (1895, la première séance publique payante du cinéma des Frères Lumière à Paris).
Ce « grand écran » est opposé au « petit écran » de la télévision, surnommé « l’étrange lucarne » par Le Canard enchaîné au début des années 1960.
2- La technique du tissage s’est développée sur le modèle de la vannerie et du tressage.
Le tricot, lui, a été inspiré par le modèle des mailles de filets (de pêche, par exemple)
3- En ancien français, une « estrique » était un bâton que l’on passait sur une mesure pour faire tomber le grain excédant, comme on le fait aujourd’hui avec un couteau pour mesurer une « cuillerée rase », par exemple de levure ou de cannelle.
Le verbe allemand « streichen » appartient à la même famille que « estriquier » (dérivé du vieux francique « strikan » = frapper).
L’expression « gestrichen voll » s’utilise encore en cuisine pour désigner une mesure rase (c’est-à-dire le contraire de « bombée »)
L’expression figurée « die Nase gestrichen voll haben » signifie en avoir ras-le-bol, en avoir marre, en avoir soupé… parce que « la mesure est comble » : on n’en supportera pas plus !
4- Aujourd’hui, dans le jargon du cyclisme, on dit qu’un coureur « tricote » lorsqu’il roule avec une fréquence de pédalage élevée – et remue donc rapidement les jambes – parce qu’il reste sur un petit développement.
Rasantes Remis zwischen Sturm und Austria
La rencontre entre les clubs de foot de Graz et de Vienne, respectivement premier et second de la Première division autrichienne, s’est terminée par un match nul : 2 à 2.
Et ce n’était en aucun cas une partie rasante !
Car, « se raser », au sens figuré (1), c’est s’ennuyer, s’embêter « à cent sous l’heure » ou « comme un rat mort » (comme on disait autrefois).
Ce match entre Sturm et Austria n’avait rien d’ennuyeux (du moins pour les amateurs de foot). Pourtant l’adjectif allemand « rasant », employé dans ce contexte au sens de « aufregend, spannend, attraktiv, vient du verbe français « raser » qui, utilisé à l’origine dans le domaine de la balistique, signifie « passer très près (d’une ligne ou d’une surface), frôler qc » : une balle rasante, un tir rasant a une trajectoire presque horizontale. (2)
Emprunté par l’allemand au XVIIIe siècle dans ce sens-là, l’adjectif « rasant » est employé depuis le début du XXe siècle dans les sports de balle comme le foot : ein rasanter Ball ist « flach geschossen ».
Sous l’influence du verbe allemand « rasen », l’adjectif « rasant » a pris le sens courant de « schnell, schnittig », puis – plus récemment – celui de « attraktiv, spannend ».
L’adjectif employé dans le titre « Rasantes Remis » exprime ces deux qualificatifs : c’était un match passionnant, à l’issue pleine de suspense et au rythme trépidant.
C’était pourtant une partie sans gagnant, « ein Remis »… comme on dit en allemand, mais pas en français !
Synonyme de « unentschieden », le mot désigne une partie, un match dans lequel il n’y a pas de vainqueur. Il vient du domaine des échecs où « Remis » est synonyme de « Patt » (le pat en français) : la partie est indécise, la décision est remise à plus tard, à l’occasion d’une nouvelle rencontre.
Ce participe passé du verbe « remettre » (3), bien qu’emprunté au français, n’est pas utilisé comme substantif dans sa langue d’origine. Un match sans vainqueur, comme celui qui a opposé Sturm à Austria est un « match nul ». (4)
Pour être au courant
1- raser : le sens figuré et familier de « ennuyer, importuner qn par des propos oiseux » est attesté à partir du milieu du XIXe siècle.
– Selon Littré, « raser qn », au sens figuré, c’est « dans l’argot des artistes actuels, contraindre quelqu’un à vous écouter en lui tenant des des discours ennuyeux. »
« La métaphore vient du barbier qui vous tient dans son fauteuil et vous force à entendre ses bavardages pendant qu’il opère ».
– Cette explication est controversée, mais la référence à la barbe est indiscutable. En effet, les adjectifs « rasant » et « rasoir » (substantif employé comme adjectif) sont synonymes de « barbant » et proches des interjections « la barbe ! » ou « quelle barbe ! » qui, tous, dérivent de l’adjectif « rébarbatif » qui signifie
– « revêche, à la mine peu aimable ou peu engageante » lorsqu’il s’agit d’une personne,
– ou « ennuyeux, qui manque d’attrait, peu plaisant » lorsqu’il s’agit d’une chose, par exemple « un sujet rébarbatif ».
A l’origine (fin du XIVe siècle), rébarbatif signifie « au poil hérissé, qui rebute » : il peut qualifier un animal ou un humain.
Il dérive du verbe rebarber qui signifie littéralement « se dresser barbe contre barbe », comme un animal qui hérisse ses poils pour impressionner son ennemi ou son rival), donc s’opposer, repousser.
L’équivalent allemand de « rébarbatif », kratzbürstig, se réfère à la même image, celle d’un humain et d’un animal qu’il vaut mieux ne pas prendre à rebrousse-poil.
2- raser qc ou qn au sens d’effleurer, frôler se retrouve dans les expressions suivantes
– « raser les murs » : marcher le plus près possible du mur en se dissimulant, se protégeant. Se faire humble, passer volontairement inaperçu.
– survoler en rase-mottes : à très basse altitude, littéralement « en frôlant les mottes de terre = in Tiefflug.
3 – Voir l’expression : « ce n’est que partie remise.
L’allemand a emprunté le substantif « Remise » au français au XVIIIe siècle pour désigner un entrepôt, un garage couvert destiné à abriter des véhicules : des carrosses ou des calèches, puis des trains et des tramways à partir du milieu du XIXe siècle.
C’est un sens aujourd’hui vieilli dans les deux langues où une « remise » se définit plutôt comme un abri, un débarras où sont rangés des instruments, des objets divers (Geräteschuppen).
Cependant, à Graz, le terme est toujours utilisé : la GVB remise (abstellen) ses trams dans deux « Remisen » (dans la Steyrergasse et la Eggenberger Straße).
4 – au sens figuré du terme, un match nul – voire » « nul de chez nul » – est sans intérêt et ennuyeux, donc rasoir : miserabel, total schlecht, öde, nichts wert…
le fauteuil : de Dagobert à Louis XVIII
Le tribunal administratif de Nantes a débouté une aide-soignante qui voulait faire annuler sa révocation professionnelle. Elle avait été filmée, dans un EHPAD à Pleuven (Finistère).
« Cette vidéo (…) montre une collègue de Mme XXX pousser à vive allure un fauteuil roulant dans lequel la requérante se trouve assise avec une résidente de l’EHPAD installée sur ses genoux, qui manifeste sa peur et sa désapprobation », précise le tribunal administratif tribunal administratif de Nantes dans son jugement du 7 mars 2025. (article)
Le fauteuil, défini aujourd’hui aujourd’hui comme un siège confortable pour une personne, généralement doté d’un dossier et de « bras » ou « accotoirs » (1) était à l’origine un siège pliant.
Le mot vient en effet du vieux francique faldistôl (littéralement « siège pliant ») qui a donné « Faltstuhl » (de falten plier + Stuhl : siège) en allemand moderne.
Au fil des siècles, « faldistôl » s’est transformé en faldestoed (XIIe siècle) puis faudestueil (XIIIe siècle) et, finalement, fauteuil (1589).
Le mot a, à son tour, été réemprunté par l’allemand au XVIIIe siècle avec son orthographe et sa prononciation (presque) française « Fauteuil » ([foˈtœj] écouter).
L’exemplaire le plus connu du faldistôl du haut Moyen-âge est le trône en bronze dit du « bon roi Dagobert » (illustration). Ce fauteuil de bronze doré, qui est parfois attribué à saint Éloi, orfèvre – et conseiller – du roi de Dagobert, a la même forme que les chaises curules (illustration) des magistrats romains dans l’antiquité.
Comme ces sièges antiques, le « faldistôl » était pliant et son assise était formée de sangles de cuir.
Étant donné que les nobles et les souverains voyageaient beaucoup au Moyen-âge et qu’ils emportaient avec eux leur mobilier d’une demeure à l’autre, la plupart des meubles étaient pliants ou démontables (par ex. les tables étaient composées d’une planche posée sur des tréteaux afin de faciliter leur transport.)
Aucune source fiable ne prouve l’authenticité de ce fauteuil. (3) Cependant il a été utilisé par Napoléon Ier pour distribuer les premières Légions d’honneur en 1804. Selon la légende, l’empereur aurait cassé ce siège vétuste et fragile en s’asseyant dessus.
Son successeur sur le trône, le roi Bourbon Louis XVIII, s’est surnommé lui-même, par autodérision, « le roi fauteuil ».
Lorsqu’il monte sur le trône, à 59 ans, il se déplace déjà difficilement. D’une part, il souffre d’une malformation congénitale des hanches ; d’autre part, à cause de son appétit pantagruélique, il est atteint d’obésité et souffre de la goutte, d’ulcères et de varices.
Il est en outre mal conseillé : son chirurgien, qui est en réalité un ancien moine défroqué, lui-même gros mangeur et gros buveur, est un charlatan.
Très rapidement, le roi ne peut plus marcher et circule assis dans un large fauteuil capitonné de cuir vert, monté sur trois roues (et donc plus facile à manipuler).
Le premier fauteuil roulant autopropulsé de l’histoire a été inventé 160 ans plus tôt : en 1655, Stephen Farfler, un horloger allemand, paraplégique depuis son enfance, a construit un fauteuil fixé sur un châssis à trois roues et qui avançait à l’aide d’une manivelle : c’est le premier fauteuil roulant autopropulsé de l’histoire.
Louis XVIII, lui, n’avait pas besoin d’actionner une manivelle pour faire avancer son fauteuil : il se laissait pousser par un domestique.
Le fauteuil roulant équipé d’un moteur apparaît en 1916 : les mutilés de la Grande Guerre (1914-18) en sont les premiers bénéficiaires.
Pour être au courant
1- On confond souvent les accoudoirs avec les accotoirs.
– Quand on est assis dans un fauteuil, on appuie ses avant-bras, de chaque côté, sur les accotoirs.
– Un accoudoir, par contre, est destiné s’appuyer les coudes (ou plus exactement les avant-bras) vers l’avant lorsqu’on est debout ou agenouillé, par ex. sur un prie-Dieu (illustration).
2- Dagobert 1er : arrière-arrière-petit-fils de Clovis, ce souverain mérovingien a régné sur le royaume des Francs de 629 à 639. Il est connu comme l’un des « rois fainéants » (littéralement Nichtstuer) et a été ridiculisé dans la chanson « Le bon roi Dagobert » où il se fait constamment rappeler à l’ordre par son conseiller saint Eloi, évêque de Noyon.
Cette chanson est largement postérieure à l’époque mérovingienne, puisqu’elle a été écrite vers 1787 pour se moquer de Louis XVI (la comptine du « Bon roi Dagobert »).
3- Le « trône de Dagobert » est conservé à la Bibliothèque nationale de France, au département des Monnaies, Médailles et Antiques.
les dents du bonheur
Le 20 mars, c’est la Journée internationale du bonheur. C’est en général (1) aussi l’équinoxe et le début du printemps.
A propos de bonheur, savez-vous d’où vient l’expression « avoir les dents du bonheur » et ce qu’elle a à voir avec Napoléon 1er ?
Le terme scientifique utilisé en odontologie (2) pour désigner « les dents du bonheur » est le diastème. Il vient du grec diastêma, qui signifie intervalle, et désigne un écartement – plus ou moins grand – entre deux dents normalement adjacentes, en particulier les deux incisives supérieures.
De nombreuses personnalités ont un diastème : c’est le cas d’Emmanuel Macron, Arnold Schwarzenegger, Elton John, Vanessa Paradis ou Madonna. (3)
Et Napoléon ? Eh bien, non ! L’empereur avait une dentition « normale » et pas « les dents du bonheur ». Pourtant, il existe un rapport entre Napoléon et cet écartement des dents.
A l’époque des guerres napoléoniennes (donc au début du XIXe siècle), le diastème était une cause de réforme. Lorsqu’ils rechargeaient leur fusil, les soldats devaient le tenir à deux mains et, en même temps, déchirer les sacs de papier qui contenaient la poudre pour les cartouches … avec les dents.
Ceux qui avaient les dents écartées étaient réformés, car inaptes à cette tâche. Quel bonheur pour ceux qui pouvaient échapper à la conscription… et aux horreurs de la guerre !
En allemand, l’expression « dents du bonheur » se traduit par « Schneidezahnlücke » ou, en termes médicaux, par « Trema » (du grec trēma = Loch) et « Diastema mediale » : dans ce cas, il s’agit plus spécifiquement de l’écartement entre les incisives (diastème interincisif), le plus souvent de la mâchoire supérieure.
Je n’ai pas trouvé d’expression figurée – aussi expressive que « dents du bonheur » – qui en serait l’équivalent.
Pour être au courant
1- La date de l’équinoxe de printemps varie entre le 19 et le 21 mars. Cela est dû au fait que la Terre met 365,26 jours pour tourner autour du soleil. Depuis 2008, l’équinoxe a lieu le 20 mars, et ce sera la règle jusqu’en 2043. (lien)
2- Définition de l’odontologie (mot formé de « odóntos » (dent) et « logía » (science) : discipline consacrée à l’étude des dents, de leur pathologie, de la thérapeutique appropriée; mise en œuvre de celle-ci. Un odontologue est un dentiste spécialisé (en orthodontie, endodontie, parodontie, chirurgie buccale, odontopédiatrie, esthétique dentaire…)
3- Cette caractéristique était également présente chez Ötzi – appelé aussi der Mann vom Hauslabjoch ou l’homme de Similaun – qui a été retrouvé momifié dans un glacier à la frontière franco-italienne en 1991, et dont l’âge est estimé à 5250 ans.
4- Eine Zahnlücke steht für Glück – Alors qu’en Europe le diastème est le plus souvent considéré comme un problème d’orthodontie, un écartement de 2 à 4 millimètres entre les incisives supérieures est vu en Afrique noire occidentale comme esthétique, séduisant, et comme une promesse de bonheur et de prospérité. (article)
Woher kommt das Wort « Klobrille »?
Savez-vous pourquoi le siège des toilettes s’appelle « Klobrille » en allemand ? Le mot a bel et bien un rapport avec les lunettes.
Rappelons d’abord que, jusqu’au XVIe siècle, cet instrument d’optique binoculaire à monture et à deux branches que nous « chaussons » aujourd’hui ne s’appelait pas « lunettes », mais « besicles » (et « bésicles » depuis la dernière grande réforme orthographique).
Ce terme rappelle les débuts de l’histoire de l’optique : dans l’Antiquité et au haut Moyen-âge, on connaissait déjà l’usage de la « pierre de lune », une loupe grossissante qu’on posait directement sur le texte écrit. Avant d’être confectionnée en verre à partir du IXe siècle, elle était taillée dans une pierre semi-précieuse, le béryl, (« beril » en ancien français) ou en cristal de roche. « Beril » a donné « bericle » puis « besicle » par assibilation (1).
Alors que le mot bésicles est aujourd’hui vieilli ou utilisé seulement de façon ironique, le terme Brille – lui aussi directement dérivé de Beryll – désigne toujours les lunettes en allemand moderne, mais s’utilise au singulier.
Le mot « lunette » est bien le diminutif de lune mais, à l’origine, il ne désigne pas un instrument d’optique : ni les lunettes (Brille), ni la lunette (Fernrohr). Attesté dès le XIIe siècle en français, il définit un objet de forme ronde, par exemple le cercle de métal entourant une plaque brillante (d’abord en métal puis en verre) qui sert de miroir.
C’est par analogie de forme que « lunette » désigne ensuite l’ouverture ronde de la chaise percée, puis le siège – parfois relevable – des « cabinets d’aisances » d’autrefois, tout comme celui des WC modernes (2). Le terme Klobrille est un calque du français « lunette », adopté au XVIIe siècle.
Selon une autre explication (plus controversée), le siège du WC s’appelle ainsi, parce que, en argot, « lune » ou « pleine lune » est synonyme de postérieur, derrière, fesses.
A propos de lunettes… : « Mit dem Glück geht es wie mit der Brille: / Man hat sie auf der Nase und weiß es nicht. »
Cet aphorisme allemand a été adopté et adapté par l’écrivain André Maurois (1885-1967) : « Le plus souvent, on cherche le bonheur comme on cherche ses lunettes, quand on les a sur le nez. »
A l’inverse, il arrive que – par une sorte de réflexe – on essaie d’enlever ses lunettes… alors qu’on n’en porte pas ! (Vidéo : le sénateur américain Orrin Hatch enlève ses lunettes invisibles…)
Cela se produit parfois quand on est « dans la lune », c’est-à-dire distrait.
L’influence – supposée – de la lune sur l’humeur des humains a laissé des traces dans le lexique, en français comme en allemand : l’humeur = die Laune ; être d’humeur changeante = launisch sein ; être lunatique = launenhaft sein ; être bien ou mal luné/e = gut oder schlecht gelaunt sein.
Pour être au courant
1- transformation de « bericle » en « besicle » par assibilation (Assibilierung oder Zetazismus) : la consonne occlusive, en l’occurrence le [r], s’est transformée en sifflante [z].
« Assibilation » vient du verbe latin « sibilare » (siffler).
2 – Dans un domaine tout à fait différent, et à partir du début du XXe siècle, la lunette correspond à la vitre arrière d’une voiture : en effet, sur de nombreux anciens modèles de véhicules, cette vitre était nettement plus petite qu’aujourd’hui et possédait une forme arrondie – ou parfois ovale -, d’où son nom. En 150 ans, sa forme a bien changé, mais le nom est resté.