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Le CAFARD de la SAINT-VALENTIN
Le zoo de San Antonio (Texas) offre une alternative au dîner en amoureux pour la Saint-Valentin : loin des boîtes de chocolats ou des roses traditionnelles [offertes à cette occasion], le zoo propose aux âmes rongées par la rancœur (Groll, Verbitterung) de donner - pour la modique somme de 5 dollars - le nom de leur ex à un cafard qui sera ensuite dévoré par un animal du zoo.
A priori, on pourrait penser que ce "cafard" se réfère à la tristesse et aux idées noires qui envahissent ceux qui ont vécu une rupture pénible et se trouvent particulièrement esseulés en ce jour où on fête les amoureux.
En réalité, il s'agit bien de cafards, au sens "propre" (si on peut dire, vu le caractère plutôt répugnant (widerlich) de ces bestioles), à savoir des blattes (Küchenschabe), ces insectes noirs et de forme aplatie, capables de digérer n'importe quoi (aliments, papier, sang, excréments, cheveux, tout est "bon" ! ), qui vivent cachés dans les recoins obscurs des habitations et qui ont une sale (1) réputation !
Existe-t-il un rapport étymologique entre ces homonymes ? Pourquoi l'insecte est-il associé à la mélancolie ou - vice-versa (umgekehrt) - la mélancolie à l'insecte ?
Le mot "caphar" est attesté en français au XVIe siècle : dérivé de l'arabe kāfir (2) ("incroyant", puis "converti à une autre religion que la sienne"), il désigne d'abord en français un faux dévot, un bigot (Frömmler) puis - par extension et orthographié "caphard" - un hypocrite, un tartuffe.
Le sens de "blatte" dérive probablement l'association entre la couleur noire de l'insecte et celle des vêtements des faux dévots, ainsi que de sa propension (Neigung, Hang) à se cacher dans des lieux sombres, comme les hérétiques, renégats (Abtrünnig), ceux qui ont trahi leur religion et qui craignent d'être poursuivis.
Au début du XIXe siècle, le terme acquiert une acception supplémentaire - et tout aussi dévalorisante - : le cafard est désormais également un mouchard (3) (Spitzel), c'est-à-dire un dénonciateur, un délateur (Denunziant).
Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que le cafard - probablement en raison de sa couleur et de sa vie passée dans les ténèbres - devient un symbole de tristesse, de blues, d'idées noires. On le retrouve chez Baudelaire auteur des "Fleurs du Mal" (1857) et grand connaisseur de ces épisodes de déprime.
Que vous soyez seul ou en bonne compagnie et si vous n'avez vraiment rien de mieux à faire en ce jour de Saint-Valentin, vous pouvez regarder en direct sur Facebook comment ces cafards vont être dévorés. Facebook (protecteur bien connu de l'anonymat) rassure : seuls les prénoms des ex seront affichés sur la carte du menu de ce "festin" très spécial !
En outre, chacun des "sponsors" (dit-on "sponsores" au féminin ?) de ces blattes recevra un certificat du zoo.
Pour être au courant
1- sale : l'adjectif postposé signifie "schmutzig, dreckig" ; antéposé, il a le sens de mauvais ("übel, mies")
2- kāfir vient du verbe kafara : être incroyant
3- c'est donc de là que vient le verbe cafarder, synonyme de dénoncer, moucharder, rapporter ((ver)petzen, verpfeifen).
3- Le mouchard est un espion, un indicateur de police. Mais d'où vient ce nom ?
Le terme apparaît au XVIe siècle. Il se réfère à Antoine de Mouchy, un théologien qui a fait office d'inquisiteur de la foi pendant les Guerres de Religion. Pour traquer les protestants, il avait mis en place un vaste réseau d'informateurs.
C'est la raison pour laquelle ces espions ont été appelés "mouches" par leurs adversaires. Le terme s'est ensuite transformé en mouchard ("-ard" est un suffixe généralement péjoratif).
Un mouchard est également un trou, un orifice servant à observer sans être vu : par exemple, le judas (Türspion) qui "trahit" la présence de la personne située de l'autre côté de la porte.
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